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Les équipements du pouvoir, villes, territoires et équipements collectifs
Nous avons appelé tous ces objets "équipements du capital" en songeant à ce qu'on appella au siècle dernier l'"équipement national", à l'"équipement humain de l'espace" de Fernand Braudel, aux "équipements collectifs" du discours urbanistique et planificateur français d'aujourd'hui : une réalité historique qui s'esquisse au point de rencontre du "pouvoir", du "territoire" et de la "production". En termes d'institutions, cette réalité se cristallise en institutions sociales distinctes des institutions "économiques" (histoire des techniques et de l'économie) et de l'institution "familiale". A mesure qu'avançait notre recherche, nous nous sommes rendus compte de l'importance de ces "équipements" dans la formation du capitalisme depuis le XVI° siècle : il s'agit là d'un domaine historique assez peu exploré.
C'est ce caractère d'exploitation qui donne son originalité à ce numéro de "Recherches" : jusqu'ici, jamais les équipements collectifs n'ont fait, comme tels, l'objet d'une analyse historique. La "généalogie" que nous esquissons ici aboutit à la remise en question :
1- de la notion de "ville", qui perd sa consistance familière et apparaît comme pure métaphore des forces réelles qui agissent dans l'histoire (chapitre I et II : "La ville-ordinaire" et "La ville-métaphore"). La-ville-en-soi éclate et se disperse dans un "réseau" de villes implantées sur les territoires" façonnés au cours de l'histoire (chapitre III) ;
2- des "équipements collectifs", dont la création est traditionnellement expliquée par la nécessité de satisfaire des besoins d'éducation, de soins, de culture, etc., et qui se révèle ici, au-delà de leur fonction d'utilité, comme instruments de l'appareil de pouvoir (chapitre IV : "Formation des équipements collectifs" ;
3- de l'"économie politique", qui a comme pierre angulaire la famille conjugale, origine et finalité des processus économiques ; ce qui n'est possible qu'à méconnaître la fonction réelle des équipements collectifs (chapitres IV et V : "Le discours du plan" et "Economie politique sans famille") ;
4- du "marxisme", qui, partant d'une conception de la société comme mode-de-production, ne s'interroge pas vraiment sur le "statut du pouvoir" dans l'histoire ;
5- et enfin du "chercheur lui-même", qui est ici collectif, et qui —dans des "interventions" spontanément écrites en adjacence au travail proprement historique—, éclaire certains aspects des formations inconscientes du désir ; ces formations, souvent peu avouables, n'en constituent pas moins la trame réelle du processus de la recherche et le fondement de ses ambitions "scientifiques".