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La ville de l'âge industriel : le cycle haussmanien
Sous la direction de Maurice Agulhon, professeur d'histoire contemporaine à Paris-I.
Fresque méthodique située sur la toile de fond de l'espace urbain comme l'"Histoire de la France Rurale" l'était sur celle des campagnes, l'entreprise engagée par les Editions du Seuil sous la direction de Georges Duby pour établir une "Histoire de la France Urbaine" atteint doucement la période contemporaine. Elle ne perd pas pour autant la diversité de technique historique et de ton qui caractérisait les volumes antérieurs.
Compte tenu de la fragmentation disciplianires des études sur la ville des XIX° et XX° siècles, il était permis d'attendre un effort synthétique exceptionnel du 4° tome de l'"Histoire", "La ville de l'âge industriel", qu'il ne réalise que partiellement. Le sous-titre du volume, "Le cycle haussmannien" met d'emblée et avec franchise l'accent sur la contradiction qui traverse le travail réalisé sous la direction de Maurice Agulhon. La périodisation du volume —approximativement 1840-1850— est une question rien moins qu'académique. Le découpage choisi efface en effet la continuité du programme haussmannien avec les opérations de zonage et de salubrité mises en oeuvre sous le premier Empire.
La cohérence du "cycle" est ensuite démentie par le développement de la périphérie moderne, dont Yves Lequin écrit d'ailleurs pertinemment : "la banlieue mange la ville à un point tel qu'elle finit par lui imposer sa propre image". Avec la croissance des banlieues apparaissent ainsi, dès avant 1914, des politiques métropolitaines jouant à la fois sur les systèmes périurbains existants —réseaux, fortifications— et sur ceux qu'il s'agit de créer —ports, parcs, cités-jardins. Et la mention que fait Marcel Roncayolo de l'aménagement de Marseille par Jacques Gréber, engagé par celui-ci "de l'extérieur", permet de mesurer la distance de ce type de démarche d'avec les stratégies haussmanniennes ou post-haussmanniennes, tant à Paris qu'en province.
Il faut donc à tout le moins relever une forte inflexion dans ce "cycle" donné comme unitaire et dont le texte de Françoise Choay montre bien les nettes scansions internes dans un propos au demeurant plus centré sur les doctrines et sur le mouvement des formes architecturales que sur les transformations effectives de la forme urbaine.
Et c'est sur ce dernier point qu'achoppent des analyses pourtant combien plus sensibles qu'il n'est coutume aux règles de constitution des tissus urbains et à l'architecture : les courbes démographiques et les photographies d'archives ne remplacent pas les dessins analytiques dont pourtant des ouvrages s'adressant à un public identique à celui de l'"Histoire" peuvent être dotés. On peut imaginer la crédibilité quant aux effets spatiaux et visuels des transformations des modes de vie urbains qu'une illustration plus analytique eût apporté en notant précisement la qualité des développements de l'ouvrage sur la pratique de la maison, du café, de la rue. Pourtant si l'élan général de cet avant-dernier tome de l'"Histoire de la France Urbaine" semble parois suivre les lignes de force du propos un peu daté d'un Sigfried Giedion quant à la "force propulsive" de l'haussmannisation, l'ensemble des faits restitués dans le croisement des données quantitatives et des coupes diachroniques ou synchroniques sur une ville ou un phénomène précis permet de relativiser l'impact des doctrines urbanistiques aux échos sonores mais aux effets bien lents. Les belles exceptions qui fascinent les architectes jusque dans les histoires qu'ils écrivent laissent ainsi le pas aux tendances de fond de l'urbanisation et de la culture urbaine, ce qui est légitime.
Dans les meilleurs développements affleure une génération d'analyses historiques thématiques ou monographiques conséquentes pour le mouvement ouvrier, pour les villes du XIX° siècle ou pour certaines villes de province mais encore lacunaires pour les villes du XX° siècle et leurs périphéries. Puisse la contribution de ce volume marquer un palier avant le développement de travaux nouveaux sur ces terrains, et qui viendront infirmer —ou établir— la continuité du "cycle" qu'il décrit. (Jean-Louis Cohen.)
La France est devenue urbaine, la ville l'emporte sur la campagne statistiquement parlant, même si elle traverse quelques périodes de dépression démographique. Les premiers chapitres de ce quatrième tome sont consacrés à cet analyse et nourris d'une cartographie très intéressante.
Baron et Préfet de la Seine de 1853 à 1870, Haussmann plus que son époque a marqué un siècle de son empreinte, à Paris, mais aussi à Lyon, Marseille, Bordeaux, empêchant durant cette période toute création, toute innovation, en matière urbanistique. Le phénomène est d'importance et sans précédent et distingue le "second XIX° siècle du premier." A cette époque, la ville change de forme, se structure, s'organise, l'acte est volontaire, organisé, soutenu par des sociétés financières puissantes. Avec des pans de quartiers qui s'écroulent, disparraissent des pans entiers d'histoire, des traces de ce vivant urbain. La ville s'ouvre en larges avenues et boulevards : c'est l'ère de la circulation et de la communication. Les "hygiénistes" ont la parôle. L'industrie quitte la campagne pour s'installer autour des villes, générant banlieues et faubourgs, anneaux de misère qui encerclent la ville ; la menacent aussi.
L'ère industrielle c'est aussi l'ère de la créativité dans tous les domaines, la ville bouillonne, s'exprime…