Le patrimoine industriel semble sortir de la longue indifférence où il a été cantonné en France. Les vives polémiques qui ont récemment accompagné les projets de restructuration des terrains Renault à Boulogne-Billancourt en sont un signe. L'intérêt du public s'est désormais focalisé sur cette architecture singulière, inscrite dans un espace très particulier, porteuse d'une histoire et d'une mémoire sociale fortes. Et les questions de fuser : peut-on conserver in extenso ces bâtiments ? Doit-on les modifier ? Comment ? Quels usages faut-il leur donner ?
Toute la problématique du patrimoine industriel est reposée d'un coup à l'occasion d'une réhabilitation exemplaire certes, mais loin d'être unique en France.
Pour un pays comme le nôtre qui a accompli sa première révolution industrielle dans le deuxième quart du XIXe siècle, ce patrimoine est aujourd'hui, un enjeu culturel pour diverses raisons : architecturales, car certains édifices sont des réussites majeures dans ce domaine ; sociales, car c'est tout un pan de l'histoire de notre société qui est inscrit dans ces mines, dans ces murs, dans ces machines ; spatiales, parce que plusieurs aménagements ont marqué durablement des paysages ; et techniques enfin, puisque les innovations d'autrefois sont encore à l'œuvre dans des sites spécifiques et restent des activités rentables. L'usine Menier à Noisiel, le barrage de Génissiat dans l'Ain, la soufflerie de Meudon, le familistère Godin à Guise ou la verrerie de Passavant-La Rochère conjuguent l'une ou l'autre de ces caractéristiques, sinon plusieurs.
Si la reconversion de ce patrimoine pose presque toujours des problèmes aigus, ils sont loin d'être insurmontables.
S'intéresser au patrimoine industriel n'implique pas, bien entendu, un gel définitif de l'ensemble de ces bâtiments affectés à la production. Il s'agit, avec discernement, pour des raisons diverses, dans des domaines différents, de conserver les témoignages les plus significatifs des deux siècles qui viennent de s'écouler.